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Une nouvelle actrice vedette de la réponse inflammatoire

15/02/2013

Divers groupes de chercheurs de l’Université de Liège poursuivent des études sur le rôle de ADAMTS-12, une enzyme dont les fonctions semblent multiples.  Après avoir mis en évidence son effet protecteur contre la progression du cancer et contre l’asthme,  les chercheurs montrent aujourd’hui qu’ADAMTS-12 semble également cruciale pour éviter une réponse inflammatoire exacerbée. Ces avancées ont pu être réalisées grâce à une collaboration étroite entre un laboratoire espagnol, une équipe du GIGA et la Plate-forme transgénique du GIGA. 

L’histoire entre ADAMTS-12, une enzyme protéolytique, et l’ULg a démarré dans le cadre du programme européen « Microenvimet » (2008-2012) dont le domaine de recherche était la cancérologie. « Nous travaillions sur des métalloprotéases matricielles (MMPs) très proches de la famille des ADAMTS (pour A disintegrin and metalloproteinase domain with thombospondin) », explique le Professeur Agnès Noël, codirectrice du Laboratoire de Biologie des Tumeurs et du Développement (LBTD). « Parmi les neuf partenaires de ce programme européen, il y avait le laboratoire du Professeur Carlos Lopez-Otin de l’Université d’Oviedo en Espagne », poursuit l’ancienne coordinatrice de Microenvimet. Ce dernier était à l’origine de l’identification d’ADAMTS-12 et voulait générer des souris knock-out pour le gène ADAMTS-12, c’est-à-dire des souris transgéniques déficientes pour ce gène. « Nous avons regroupé nos efforts : Carlos Lopez-Otin a débuté le travail et nous l’avons poursuivi ici au GIGA », indique Agnès Noël. C’est ainsi que sont nées les premières souris knock-out de la Plate-forme transgénique du GIGA. Depuis lors ces petits rongeurs ont permis de belles avancées !

Un effet protecteur contre le cancer et l’asthme

En 2010, une première publication découlant de la génération de ces souris paraissait dans la revue Oncogene (1). Ces travaux visaient à étudier l’implication d’ADAMTS-12 dans le processus d’angiogenèse tumorale et de la progression cancéreuse. En l’absence de la dite métalloprotéase, les chercheurs ont observé une augmentation de la réponse angiogène et de l’invasion tumorale dans les tissus des rongeurs transgéniques. Les résultats de ces recherches suggèrent donc qu’ADAMTS-12 jouerait un rôle protecteur contre l’angiogenèse tumorale et la progression des cancers (lire aussi l’article Métastases : les préparatifs du crime).

« À partir de là nous avons exploré le rôle de cette enzyme dans d’autres pathologies telles que l’asthme », reprend Agnès Noël. Le professeur Didier Cataldo a ainsi utilisé le modèle de souris knock-out pour ADAMTS-12 afin de tester si l’enzyme joue un rôle dans l’expression de la pathologie asthmatique (lire l’article Un gène nommé ADAM). Les résultats, publiés en septembre dernier dans le Journal of Immunology (2), révèlent qu’ici aussi ADAMTS-12 semble avoir un effet protecteur. En effet, les souris dont le gène ADAMTS-12 est déficient montraient une réactivité bronchique bien plus importante que les souris sauvages qui avaient été exposées aux même allergènes. De plus, en analysant les poumons des rongeurs, les scientifiques ont notamment observé une augmentation importante de la population d’éosinophiles, des cellules clés de l’inflammation allergique.

ADAMTS-12, garde fou de la réponse inflammatoire

Tout récemment, ADAMTS-12 a encore fait parler d’elle dans une nouvelle étude publiée dans Journal of Biological Chemistry (3). Initiée par le Professeur Carlos Lopez-Otin, cette étude avait pour objectif de déterminer l’implication de ADAMTS-12 dans des maladies inflammatoires telles que les colites et pancréatites. Ces travaux nécessitaient donc également le recours de ces nouvelles souris transgéniques. « Le Professeur Carlos Lopez-Otin et son équipe ont observé que les souris déficientes pour ADAMTS-12 présentaient des inflammations plus sévères et une guérison plus tardive que leurs homologues du type sauvage », indique Agnès Noël. Outre ces observations, les scientifiques ont mis en évidence un nombre de neutrophiles particulièrement élevé au niveau des tissus affectés chez les souris mutantes.

« Les neutrophiles sont les premières cellules qui arrivent sur le site de lésion. Elles sécrètent des cytokines pour recruter d’autres cellules telles que les macrophages », explique Agnès Noël. « Au cours d’une réponse inflammatoire normale, la population de neutrophiles se réduit rapidement après le début de l’inflammation suite à l’apoptose de ces cellules. Cela permet d’éviter une réaction exacerbée », poursuit-elle.

Afin d’en savoir plus sur le lien entre une déficience en ADAMTS-12, une réponse inflammatoire anormalement élevée et un nombre accru de neutrophiles, les chercheurs espagnols ont effectué des analyses complémentaires. Ils ont ainsi isolé et mis en culture in vitro des neutrophiles d’origine humaine qu’ils ont mis en présence de l’enzyme d’ADAMTS-12. Résultat : la métalloprotéase induisait l’apoptose de ces neutrophiles. En recollant tous les morceaux de ce puzzle, les chercheurs sont arrivés à la conclusion qu’en l’absence d’ADAMTS-12, les neutrophiles ne se dirigent pas suffisamment vers le processus apoptotique, continuent donc de recruter d’autres cellules sur le site de l’inflammation et provoquent ainsi une réaction inflammatoire exagérée. Formulée à l’envers cette conclusion donne : ADAMTS-12 permet une réponse inflammatoire normale en induisant la mort des neutrophiles après la première phase de ce processus.

Un intérêt nouveau pour les métalloprotéases

 « Il est intéressant de noter que des souris knock-out générées grâce à une collaboration dans le contexte d’une recherche en cancérologie servent également d’autres domaines de recherche comme l’étude de la réponse inflammatoire », souligne Agnès Noël. De fait, ce précieux modèle murin a permis d’identifier ADAMTS-12 comme un acteur important de la réponse inflammatoire tant dans la pathologie asthmatique que dans le cas de colites et de pancréatites. Mais également de montrer que cette enzyme joue un rôle dans la régulation des populations de cellules impliquées dans ce processus. « Comprendre quels sont les médiateurs de la réponse inflammatoire et comment ils l’inhibent ou l’accentuent est primordial pour mieux en cerner les mécanismes et pouvoir ensuite agir sur ces mécanismes », conclut Agnès Noël.

Connues jusqu’ici principalement pour leur rôle de dégradation des composants de la matrice extracellulaire, les métalloprotéases -représentées ici par ADAMTS-12 - ont montré qu’elles avaient d’autres cordes à leur arc. Les souris knock-out issues de la collaboration belgo-espagnole seront peut-être encore bien utiles pour en découvrir davantage !

(1)  M El Hour, A Moncada-Pazos, S Blacher, A Masset, S Cal, S Berndt, J Detilleux, L Host, A J Obaya, C Maillard, J M Foidart, F Ectors, A Noel and C Lopez-Otin2. Higher sensitivity of Adamts12-deficient mice to tumor growth and angiogenesis. Oncogene (2010) 29, 3025–3032; doi:10.1038/onc.2010.49; published online 8 March 2010.

(2) Paulissen G, El Hour M, Rocks N, Guéders MM, Bureau F, Foidart JM, Lopez-Otin C, Noel A, Cataldo DD. Control of Allergen-Induced Inflammation and Hyperresponsiveness by the Metalloproteinase ADAMTS-12. J Immunol. 2012 Oct 15;189(8):4135-43. doi: 10.4049/jimmunol.1103739. Epub 2012 Sep 7.

(3) Angela Moncada-Pazos, Alvaro J. Obaya, María Llamazares, Ritva Heljasvaara, María F. Suárez, Enrique Colado, Agnès Noël, Santiago Cal and Carlos López-Otín. ADAMTS-12 Metalloprotease Is Necessary for Normal Inflammatory Response. J Biol Chem. 2012 Nov 16;287(47):39554-63. doi: 10.1074/jbc.M112.408625. Epub 2012 Sep 27.


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