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Un gène nommé ADAM
23/01/2013

Un effet protecteur

Ces résultats (2) démontrent donc bien, sans équivoque possible, que la protéase ADAMTS-12 a un rôle à jouer dans l’expression de la pathologie asthmatique. Un rôle  manifestement protecteur puisque, quand l’ADAMTS-12 est déficiente, les manifestations asthmatiques in vivo et in vitro sont plus marquées. « A notre connaissance, c’est la première étude qui montre un effet de l’ADAMTS-12 dans un modèle expérimental d’asthme, souligne Didier Cataldo. Puisque nous avons pu démontrer que la déficience en cette enzyme provoque une augmentation de la réactivité bronchique et une augmentation de l’inflammation, nous pouvons conclure que l’ADAMTS-12 a certainement un effet protecteur dont il serait intéressant d’investiguer le mécanisme. Ce qui est en cours. »

« Notre étude est également intéressante sur un plan plus général, reprend-il,  dans la mesure où, il y a quelques années, certaines hypothèses de recherche avaient préconisé d’investiguer la voie de l’inhibition des protéases, notamment pour ralentir la progression du cancer. L’industrie pharmaceutique s’était alors engouffrée dans la brèche, croyant avoir trouvé la poule aux œufs d’or, mais sans réelle connaissance fondamentale de ce domaine. Une multitude d’inhibiteurs des métalloprotéases peu spécifiques ont ainsi été mis au point… et aucun n’a donné de résultats. Au contraire, on a du interrompre de nombreux essais cliniques, ce qui représente des millions et des millions de dollars perdus. Pourquoi ? Parce que personne ne connaissait la biologie de cette famille d’enzymes. Ce qui démontre encore une fois l’utilité de la recherche fondamentale ! Si on ne connaît pas la carte des familles de protéases et de cytokines avec lesquelles on joue, on provoque des interactions inconnues et imprévues. Et si même une réaction bénéfique se produit, elle est potentiellement noyée dans un magma d’effets indésirables dus au manque de spécificité de l’approche. »

puffOn comprend dès lors que quand on lui demande si cette découverte est susceptible d’avoir des implications pour un éventuel traitement de l’asthme, le chercheur se montre très prudent : « Pas encore ! » Mais ces étapes sont malgré tout indispensables au développement de nouvelles classes thérapeutiques, justement parce que la compréhension du réseau d’interactions moléculaires et cellulaires reste capital. « Pour le moment, continue Didier Cataldo, un brin provocateur, nous traitons l’asthme avec des corticoïdes. Comment agissent-ils ? On ne le sait pas ! Ils inhibent l’inflammation, mais ce faisant, ils agissent sur l’expression de très nombreux gènes différents. On ne peut donc pas dire qu’on « comprend » ce qui se passe. Nous en sommes toujours au même stade que quand on utilisait des extraits de surrénales au 19è siècle. Les méthodes de fabrication sont plus sophistiquées, les voies d’administration par inhalation permettent de diminuer la toxicité des médicaments,... mais on ne sait toujours pas exactement ce qu’on fait ! Nous ne pourrons trouver de nouvelles cibles thérapeutiques qu’en comprenant les mécanismes à l’œuvre. »

L’équipe de Didier Cataldo s’attelle donc à présent à comprendre avec quoi la protéase ADAMTS-12 interagit au niveau moléculaire. « Nous avons changé de niveau de recherche: de l’étage in vivo, nous sommes descendus à l’étage moléculaire pur. Ce qui veut dire que cela va prendre du temps, parce que ce sont des études très complexes. Vous n’entendrez donc plus parler de cette molécule avant longtemps », sourit-il. La recherche est souvent une affaire de patience…

« En conclusion, résume le Professeur Cataldo, on peut dire que l’asthme est une maladie polygénique pour laquelle toute une série de gènes ont été identifiés, dont les liens de cause à effet sont plus ou moins complexes. Notre contribution est d’avoir prouvé qu’un de ces gènes est effectivement lié à l’asthme puisque quand on le mute, quand on l’élimine, on aggrave l’asthme. Le chemin qui reste à parcourir est évidemment encore très long avant qu’on ne parvienne à comprendre l’ensemble des gènes associés à l’asthme et leur fonction, mais notre petite pierre à l’édifice, cette fois, c’est l’ADAMTS-12. » Lire l'encadré "Quel zèle au diagnostic?"

(2) Control of Allergen-Induced Inflammation and Hyperresponsiveness by the Metalloproteinase ADAMTS-12. Geneviève Paulissen, Mehdi El Hour, Natacha Rocks, Maud M. Guéders, Fabrice Bureau, Jean-Michel Foidart, Carlos Lopez-Otin, Agnès Noel, and Didier Cataldo. J Immunol published online 7 September 2012 ol.1103739.  http://www.jimmunol.org/content/early/2012/09/07/jimmun

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