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Les forêts communautaires, outil de développement en Afrique
28/12/2012

Article rédigé par Philippe Lamotte

Dans un ouvrage richement illustré, édité par les Presses agronomiques de Gembloux, les experts de la foresterie tropicale communiquent leur passion pour le Cameroun et l’expérience pilote des forêts communautaires. Une autre vision de l’Afrique, pleine d’espoirs.

COVER Doucet Regards croisésL’histoire contemporaine de la forêt tropicale africaine ne se décline pas uniquement sur le mode des abattages massifs ni du saccage scandaleux des ressources naturelles. Les forêts communautaires en sont une puissante illustration et, à ce titre, constituent une lueur d’espoir pour ces écosystèmes et les communautés qui y vivent. Fruit d’un travail collectif de passionnés de la forêt tropicale, l’ouvrage qui vient de sortir aux Presses agronomiques de Gembloux (1) rend hommage aux progrès engrangés ces dernières années par la foresterie communautaire, tout particulièrement celle qui est menée au Cameroun. Ce pays est, en effet, l’un des premiers  du Continent à s’être attelé à la réforme de son code forestier et à s’être engagé sur la voie d’une gestion durable de ses forêts. Parmi les outils mis au point dès le milieu des années nonante figure cette spécificité des forêts communautaires (FC), qui ne sont rien d’autre qu’une sorte de foresterie « pour les gens ». Comprenez : en marge des grandes concessions allouées aux groupes internationaux, l’Etat camerounais à voulu offrir aux communautés locales la possibilité d’exploiter les ressources forestières - ligneuses comme non-ligneuses - à des fins de développement. L’objectif consiste à allier ce développement, source de revenus pour des populations très pauvres, à la conservation des ressources à long terme.

Le mérite de cet ouvrage est de sensibiliser à ces forêts communautaires le lecteur intéressé par la foresterie et le développement ou, tout simplement, curieux de l’Afrique et de ses facettes trop peu connues ; et cela au moyen de quelque 200 photographies qui n’ont rien de technique ni de scientifique au sens le plus classique. On y découvre avec ravissement diverses facettes de ces forêts profondes et exubérantes : des arbres qui montent jusqu’à cinquante mètre de hauteur, refuges pour quelque 8000 espèces végétales,  1500 espèces de papillons, 700 oiseaux, 250 reptiles, etc. Loin de toute prétention naturaliste, ce recueil photographique met surtout en scène les principaux acteurs des forêts communautaires : les hommes, femmes et enfants à qui la forêt, si elle est bien gérée, peut amener une substantielle amélioration des conditions de vie. Complément indispensable aux illustrations, une vingtaine de pages de textes, clairs et sobres, suffisent à expliquer les tenants et aboutissants des FC et de leur gestion : conventions avec l’Etat camerounais, inventaires des ressources, plans de gestion, rotations des coupes, etc. Sans oublier les assemblées participatives, où les villageois décident eux-mêmes des voies à suivre pour leur développement futur.

Les auteurs de l’ouvrage sont issus du Laboratoire de Foresterie des Régions tropicales et Subtropicales de Gembloux Agro-Bio Tech (Université de Liège), de l’ASBL Nature + et de l’organisation néerlandaise de développement SNV. Tous, à travers le projet « Partenariats pour le développement des forêts communautaires », mené jusqu’en décembre 2012, sont des experts de la foresterie communautaire. Si la science est ici volontairement mise en retrait au profit de la pédagogie et de l’esthétique, on la sent pourtant bel et bien présente en filigranes, à travers l’expérience accumulée par ces « photographes d’un jour » et mise au service des communautés sous diverses formes. Dans un souci d’objectivité, les auteurs ne cachent pas les sérieux écueils rencontrés par les FC: manque de moyens, problèmes de gouvernance, luttes intestines pour le pouvoir, difficultés de commercialisation des produits de la forêt… Tous ces aléas n’empêchent pas les FC  de porter aujourd’hui leurs premiers fruits. Le constat est prometteur. En effet, à l’heure actuelle, plus de 450 demandes d’agrément sont  en cours dans ce pays, portant sur plus d’1,5 million d’hectares ! L’espoir est grand de voir d’autres pays africains s’inspirer au plus vite de l’expérience camerounaise.

(1) Regards croisés sur la foresterie communautaire. L’expérience camerounaise. Presses agronomiques de Gembloux. Jean-Louis  Doucet, Cédric Vermeulen, Jean-Yves De Vleeschouwer, Nadège Nzoyem Saha, Cecilia Julve Larrubia, Jérôme Laporte et Michèle Federspiel.

 

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