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La vie intime des poissons-clowns
10/12/2012

Silence dans la chambre

Notre interlocuteur a montré par ailleurs que les sons étaient exactement les mêmes, si ce n'est par leur durée et leur fréquence, elles-mêmes liées à la taille de l'individu, qu'ils soient produits par une femelle(3), un mâle ou un poisson immature. Bref, le sexe n'influe en rien sur la signature acoustique.

okAmphiprion-perideraion-(couple)Il y a plus étonnant encore. Dans une étude parue en 2011 dans la revue BMC Evolutionary Biology(4), Orphal Colleye a comparé les sons d'agression chez 14 espèces de poissons-clowns. Aucune différence ! À nouveau, seule la taille des individus, toutes espèces confondues, apporte une nuance (durée et fréquence du son) permettant de les discriminer à partir de leur production sonore. « Bien que certaines espèces présentent des formes de corps différentes, bien que chez certaines d'entre elles, les dents buccales (qui vont entrer en contact lorsque le poisson claquera les mâchoires) soient caniniformes et chez d'autres, incisiformes, la signature acoustique est identique », souligne Orphal Colleye.

Dans l'étude publiée par PLoS One cet automne, le chercheur ne s'est pas contenté d'analyser les interactions d'agression et de soumission au sein des groupes de poissons-clowns ; il a également essayé de déterminer s'il y avait production de sons lors de la reproduction. Cela avait déjà été observé chez d'autres espèces de Pomacentridae, mais on ignorait encore s'il en était de même chez le poisson-clown. Armé de sa caméra 25 images/sec. et de son hydrophone, Orphal Colleye a d'abord observé des couples pendant un mois à l'aquarium de Brest (Oceanopolis), où sont élevées six espèces de poissons-clowns. Quelle que soit l'espèce, la reproduction n'était jamais accompagnée de l'émission du moindre son.

Craignant un possible biais comportemental dû à la captivité, le biologiste se rendit ensuite à la Sesoko Station sur l'île d'Okinawa (Japon), dont les récifs coralliens abritent quatre espèces de poissons-clowns. « Plusieurs couples de poissons-clowns y sont maintenus en semi-captivité dans des aquariums présentant des conditions similaires à celles du milieu naturel - même photopériode, même température de l'eau, etc., dit-il. Là non plus, jamais l'hydrophone ne capta de son au cours des différents cycles de reproduction auxquels j'ai assisté. » La chance lui a également permis d'être témoin d'une reproduction en milieu naturel. Constat identique : les poissons-clowns demeurèrent « muets ».

Pourquoi, contrairement aux autres espèces de Pomacentridae espionnées pendant leurs « ébats », les congénères de Nemo se taisent-ils durant ces moments cruciaux ? Sans doute, parce que le groupe est totalement hiérarchisé, que seul le mâle dominant a la possibilité de féconder les œufs déposés par la femelle après le jeu des parades nuptiales. Bref, il « jouerait à l'économie ». « C'est en tout cas mon hypothèse, indique Orphal Colleye. Chez les poissons-clowns, le couple peut perdurer plusieurs années. Aussi le mâle n'a-t-il plus vraiment besoin de séduire la femelle. »

(3) Contrairement au mâle dominant et aux immatures, la femelle ne produit pas de sons de soumission

(4) Colleye O., Vandewalle P., Lanterbecq D., Lecchini D., Parmentier E. 2011. Interpsecific variation of calls in clownfishes: degree of similarity in closely related species. BMC Evolutionary Biology 11 : 365.

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