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La vie intime des poissons-clowns
10/12/2012

Chacun à sa place

Dans des travaux publiés en novembre 2012 par la revue PLoS One(2), Orphal Colleye a abordé la question de la communication chez les poissons-clowns en s'intéressant à la manière dont étaient régies les interactions entre les individus vivant sous un même « toit ». Effectuées au moyen d'une caméra sous-marine (25 images par seconde) maintenue dans un caisson étanche et couplée à un hydrophone, ses observations eurent lieu tantôt sur le terrain, tantôt sur des groupes de poissons prélevés en milieu naturel au Japon, avec leur anémone, et placés ensuite en aquarium.

Que découvrit le biologiste de l'ULg ? La présence, à côté des sons d'agression, de sons de soumission dont le mécanisme producteur demeure néanmoins inconnu - les mâchoires de l'animal ne bougent pas - et dont l'émission est accompagnée d'un comportement caractéristique que les spécialistes qualifient de « headshaking ». « En clair, le poisson subordonné se place de côté par rapport au dominant et frétille  de la tête et du corps, ce qui engendre une onde vibratoire qui démarre au niveau de la tête avant de se poursuivre le long du corps du poisson », indique Orphal Colleye.

Selon lui, les signaux acoustiques d'agression et de soumission pourraient remplir un rôle primordial dans le mode de vie des petits groupes de poissons-clowns partageant la même anémone de mer. Non seulement les interactions d'agression et de soumission se révèlent extrêmement fréquentes dans ces groupes, mais il apparaît également que les sons tant d'agression que de soumission sont fonction, en termes de fréquence et de durée de son, de la taille du poisson émetteur. Plus un poisson est grand, plus la durée des sons qu'il émet est longue et plus leur fréquence est basse. Autrement dit, ils sont le reflet de la hiérarchie en vigueur dans le groupe.

En principe, chacun sait donc à qui il a affaire. Et il est probable, selon l'analyse d'Orphal Colleye, que les signaux sonores agressifs émis par un individu hiérarchiquement supérieur à destination d'un subordonné et les signaux de soumission produits en retour par ce dernier aient pour but d'éviter des confrontations qui pourraient nuire à l'intégrité physique des « belligérants ». Tout se passe comme si le dominant adressait des rappels à l'ordre (« Reste à ta place, c'est moi qui commande ici ») au subordonné, lequel lui confirmerait son allégeance (« Pas de problème, c'est toi le chef »). « Certains auteurs ont eu l'idée de placer des individus de même taille au sein de la même anémone. Cette similarité de taille avait pour conséquence de créer des conflits qui se sont traduits par la fuite d'un des protagonistes et parfois par sa mort », rapporte Orphal Colleye.

Dans les comportements de soumission, l'aspect visuel est manifestement important. Non seulement parce que, comme nous le mentionnions, le message sonore y est toujours accompagné du « headshaking », mais plus encore parce qu'il arrive que cette parade soit effectuée sans l'émission du moindre son. « On peut donc imaginer que le signal sonore représente une forme de renforcement du message de soumission transmis par le biais du "headshaking" », commente le chercheur.

video-headshaking

(2) Colleye O., Parmentier E. 2012. Overview on the diversity of sounds produced by clownfishes (Pomacentridae): importance of acoustic signals in their peculiar way of life. Plos ONE 7 : 11.

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