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La vie intime des poissons-clowns
10/12/2012

Agressions verbales

Plus sérieusement, on peut se demander quel est le moteur des processus de transformation qui engendrent un mâle dominant au départ d'un immature et une femelle à partir d'un mâle. « On ignore la nature exacte du facteur qui contrôle ce changement de sexe, indique Orphal Colleye. Est-il chimique, visuel ou acoustique ? Il serait assurément très intéressant d'entreprendre des recherches sur le sujet. »

Autre question : comment est régie la vie du petit groupe de poissons-clowns attachés à une anémone ? Réponse : essentiellement par des relations de domination et de soumission au sein d'un système hiérarchique basé sur la taille des individus. Dans ce cadre, il apparaît, nous y viendrons, que la communication acoustique peut jouer un rôle primordial.

En 2007, le professeur Éric Parmentier, responsable du Laboratoire de Morphologie Fonctionnelle et Évolutive de l'ULg, et Orphal Colleye avaient été les premiers à élucider le mécanisme par lequel les poissons-clowns émettent des sons d'agression lors de la défense de leur territoire (1)(Lire l'article Nemo parle vraiment). Jusque-là, deux procédés utilisés par les poissons pour générer des sons avaient été bien identifiés. Le premier consiste en la production de sons dits de stridulation, obtenus par la friction de deux parties dures du corps - par exemple, le frottement de l'articulation de la nageoire pectorale sur la ceinture scapulaire ou celui des dents pharyngiennes les unes contre les autres.

La deuxième technique met en jeu la vessie natatoire, diverticule du tube digestif formant une poche d'air localisée sous les vertèbres de la cavité abdominale. Cet air permet au poisson de se stabiliser entre deux eaux en économisant son énergie, mais il peut aussi, chez certaines espèces, être employé pour produire du son. En effet, certains poissons font vibrer leur vessie natatoire à la manière d'un tambour à l'aide de muscles dits « soniques » qui s'insèrent soit directement sur elle, soit sur une structure connexe. D'autres expulsent l'air contenu dans la vessie par la bouche (cas de l'anguille) ou par l'anus (hareng...). On dira que l'anguille rote et que le hareng pète.

Qu'ont montré les chercheurs du Laboratoire de Morphologie Fonctionnelle et Évolutive chez le poisson-clown de Clark ? Que c'était par voie buccale que celui-ci produisait des sons d'agression. Le couplage d'un hydrophone, d'une caméra à haute vitesse (500 images par seconde) et d'un appareil à rayons X (de petites billes de plomb avaient été insérées dans plusieurs éléments osseux du crâne de l'animal) leur permit d'élucider la mécanique intime du système.

Lorsque le poisson « jette » la tête en arrière, l'inertie entraîne l'ouverture de la bouche et, simultanément, un abaissement de la langue. Or, comme l'explique Éric Parmentier, cette dernière est reliée à la mâchoire inférieure par deux ligaments. Aussi, au-delà d'un certain point, leur extension provoque-t-elle la fermeture très rapide (moins de 10 millisecondes) de la bouche, induisant ainsi un claquement des mâchoires buccales. Le choc des dents est à l'origine d'un son d'une durée approximative de 20 millisecondes.

vidéo-sonsagression

(1) Parmentier E., Colleye O., Fine L.M., Frédérich B., Vandewalle P., Herrel A. 2007. Sound production in the clownfish Amphiprion clarkii. Science 316 : 1006.

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