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Comment le droit protège-t-il les consommateurs mineurs ?
05/12/2012

Chacun peut s’inscrire sur les listes noires reprenant les noms des consommateurs qui demandent à ne plus être approchés par des publicités personnalisées, les listes Robinson (4), mais elles ne concernent que les courriers postaux et les offres publicitaires par téléphone. D’autre part, seules les quelques 450 entreprises membres de la « Belgian Direct Marketing Association » sont tenues de consulter ces listes. «S’il existait un système centralisé et complet de listes qui fonctionnent bien et qui sont rendues obligatoires non par une association privée mais par la loi, les parents pourraient y inscrire leur enfant avec la certitude que celui-ci ne sera pas approché par de la publicité personnalisée », remarque Aurélie Nottet.

Les limites du droit de rétractation

Autres aspects du droit de la consommation qui n’offrent pas de protection particulière envers le mineur : l’information et le droit de rétractation en cas d’achat à distance, un type de transaction en forte augmentation ces dernières années suite au développement d’internet et à la diversification des modes de paiement en ligne. Dans le cas des achats par internet, le consommateur (majeur ou mineur) doit en effet recevoir davantage d’informations que pour un achat normal. En outre, il peut renvoyer le bien au vendeur et être remboursé de son achat dans un délai de 14 jours (parfois 3 mois si le vendeur informe mal l’acheteur notamment au sujet de la possibilité de rétractation).

« Ces mesures ne sont pas adaptées à la situation d’un consommateur mineur, dénonce Aurélie Nottet: s’il achète seul, il recevra beaucoup d’informations, mais il n’est pas sûr qu’il va les lire et les comprendre. Quant à son droit de rétractation, sait-il comment l’exercer ? Il devra probablement demander l’aide de ses parents pour renvoyer le bien au vendeur, qui est parfois situé à l’autre bout du monde. Un aspect intéressant de ce droit de rétractation est que les parents peuvent contraindre l’enfant à renvoyer le bien… mais encore faut-il qu’ils s’aperçoivent suffisamment tôt de l’achat. Des mineurs téléchargent parfois sur internet des éléments qui demeurent dans des dossiers sur l’ordinateur et quand leurs parents s’en aperçoivent, le délai de 14 jours est passé ».

Achat-en-ligneL’auteure de la thèse avance toutefois un raisonnement, selon lequel le délai de rétractation pourrait souvent être étendu à 3 mois dans le cas d’un achat à distance par un consommateur mineur (prochainement, ce délai étendu devrait même passer de 3 mois à 12 mois en raison d’une nouvelle directive européenne sur le sujet). « La loi stipule que l’acheteur à distance doit recevoir un série d’informations sur le produit. Selon les règles du Code civil, cette fourniture d’informations est un acte juridique de la part du vendeur vis-à-vis du consommateur. Si celui-ci est un mineur, et donc incapable sur le plan juridique, cette information devrait parvenir à ses parents qui sont ses représentants légaux. Comme c’est rarement le cas, l’entreprise est quasiment toujours "fautive" dans l’exécution de son devoir d’information. Du coup, le délai de rétractation peut être porté à 3 mois, bientôt à 12 mois. Cela dit, ce type de raisonnement qui consiste à appliquer cumulativement le droit de la consommation et le droit de la minorité est franchement alambiqué et donne lieu à des solutions certes protectrices du consommateur mineur, mais peu accessibles en pratique ».
 
En conclusion, Aurélie Nottet estime qu’il n’est pas vraiment nécessaire de légiférer davantage pour protéger le consommateur mineur. Elle plaide surtout pour une meilleure application des textes qui existent, comme ceux sur les pratiques commerciales déloyales et la nullité des achats qui lèsent le mineur. « Puisque le consommateur n’a pas les moyens d’agir en justice car il n’en a ni l’envie, ni le temps, ni l’argent, il faut qu’on soit beaucoup plus strict vis-à-vis des comportements des entreprises. Celles-ci savent ou supposent souvent que tel ou tel acheteur est mineur, mais le risque est si minime de voir le contrat remis en question, que les entreprises foncent et vendent. Cette façon de faire est encore plus répandue dans les ventes sur internet où les entreprises peuvent se retrancher derrière le fait qu’elles ne voient pas leur client. Imposer le respect des textes de loi existants permettrait d’assurer au consommateur mineur la protection qu’il mérite ». 

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