Le site de vulgarisation scientifique de l’Université de Liège. ULg, Université de Liège

Les secrets du lac Kivu
26/10/2012

« Le lac est scindé en deux par ce « couvercle » à 250 mètres de profondeur, qui permet l’accumulation du gaz en profondeur. Un rejet des eaux profondes en surface, plus denses, pourrait briser la stratification du lac et en faire un lac aux eaux homogènes. Le gaz serait dilué dans un plus grand volume d’eau, donc moins concentré, et moins facilement exploitable. Mais le risque principal serait une eutrophisation du lac. Les eaux profondes ne font pas que retenir du gaz. Elles retiennent également tout ce qui coule de la surface, et est donc extrêmement riche en nutriments, particulièrement en phosphate et en ammonium. Ce que nous craignons, en cas de rejet des eaux en surface, c’est un soudain excès de nutriments dans l’écosystème, qui provoquerait un développement important du phytoplancton. On peut penser a priori que ce serait bénéfique pour l’entièreté de la chaîne alimentaire de ce lac très pauvre en éléments nutritifs. Mais cette eutrophisation pourrait créer des effets néfastes. Les algues, quand elles meurent et sédimentent, sont soumises à une décomposition d’origine bactérienne, un processus grandement consommateur d’oxygène. » Une plus grande production d’algues engendrerait donc une plus grande consommation d’oxygène, ce qui pourrait mener à des problèmes d’anoxie. La vie aérobie ne se développe déjà que dans les soixante premiers mètres du lac, ce qui n’est pas énorme. Des simulations faites à partir de modèles écologiques ont montré qu’en cas d’eutrophisation du lac, cette zone oxygénée pourrait se réduire aux vingt premiers mètres du lac, ce qui serait catastrophique pour toutes les espèces y évoluant. 

L’enjeu pour les industriels sera donc de trouver le plus juste compromis entre la rentabilité économique de l’extraction gazeuse, le maintien de la stabilité du lac et la préservation de l’intégrité de l’écosystème. Car au-delà de l’intérêt écologique, la préservation de la faune du lac a également une importance économique.

formation-méthane

Les eaux de surface mélangées saisonnièrement

Si les eaux profondes sont donc bloquées en dessous de 275 mètres et accumulent une forte quantité de gaz et de nutriments, les eaux de surface ne sont pas en reste d’intérêt et ont aussi livré des secrets qui font du lac Kivu un écosystème unique au monde. Les 60 premiers mètres sont sujets à un mélange saisonnier important, influençant considérablement les variations de ce système. « Une observation qui va à l’encontre de ce que la communauté scientifique pensait avant au sujet des systèmes aquatiques tropicaux et équatoriaux, se réjouit François Darchambeau. Jusqu’il y a peu, nous pensions qu’ils étaient stables dans le temps, jouissant d’un été permanent et produisant une activité biologique constante. Nous avons contribué à démontrer qu’il n’en était rien. »

Lors de la saison des pluies, une stratification en plusieurs couches se met en place. L’humidité est plus importante, les vents sont moins forts, les conditions sont propices à ralentir le mélange des eaux de surface, lesquelles vont donc se réchauffer depuis la surface et ainsi se stratifier. Lors de la saison sèche, l’air est plus sec, les vents plus importants, et l’eau s’évapore plus facilement, le tout favorisant la rupture de la stratification saisonnière. Les eaux se mélangent donc jusqu’à 60 mètres.

La conséquence directe est que la biomasse du phytoplancton évolue en fonction de ces variations. « La disponibilité en nutriments pour le phytoplancton n’est pas constante au cours de l’année. En saison des pluies, la stratification de l’eau bloque une partie de ces nutriments, et limite donc l’abondance de nourriture pour le phytoplancton qui vit dans les trente premiers mètres de surface. Une partie meurt et se sédimente, ne pouvant donc plus nourrir le reste de la chaîne alimentaire. A l’inverse, lors de la période de mélange des eaux, les nutriments accumulés entre 30 et 60 mètres remontent en surface et peuvent à nouveau servir à la croissance de la biomasse. » Lors de la saison sèche, il y a donc un pic de la biomasse phytoplanctonique au sein du lac. Une plus grande production d’algues, puis de zooplancton qui se nourrit des premières, et puis vraisemblablement de poissons, qui se nourrissent du zooplancton.

Page : précédente 1 2 3 4 5 6 suivante

 


© 2007 ULi�ge