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La génétique des battements de cils
17/03/2011

bobtail-dog-pictureC’est ici que le chien intervient. Les individus étant étroitement apparentés au sein d’une même race, celle-ci peut être considérée comme une seule grande famille. « Etudier la DCP chez une race de chien revient donc à étudier une maladie génétiquement homogène. La génétique des maladies y est largement simplifiée par rapport à  l’homme », explique le Professeur. Jusqu’ici une dizaine de gènes de prédisposition à la DCP sont connus mais 50% des cas de cette maladie restent inexpliqués.

Dans le cadre du projet européen LUPA (« Unravelling common human diseases using dog genetics »), Anne-Christine Merveille, Anne-Sophie Lequarré, Michel Georges et leurs collègues se sont intéressés aux gènes responsables de la dyskinésie ciliaire primaire chez le bobtail. Plusieurs chiots de cette race, souffrant de bronchites chroniques, ont été examinés à la clinique de la Faculté de Médecine Vétérinaire de l’ULg. L’analyse et la comparaison de l’ADN de bobtails affectés par la DCP et sains ont permis d’identifier une région du chromosome canin 34 associée à cette maladie. Dix des 151 gènes situés dans cette région codent en effet pour des protéines impliquées dans le fonctionnement des cils. En poussant les analyses un peu plus loin, les chercheurs ont plus précisément mis le doigt sur des mutation au niveau du gène CCDC39. « En vérifiant si le gène équivalent chez l’homme présentait également des mutations chez les familles de patients atteints de DCP, nous nous somme rendus compte que ces mutations permettaient d’expliquer 5 à 10% des cas de patients souffrant de cette affection », révèlent les chercheurs. Les résultats de cette étude sont publiés dans la revue Nature Genetics (1).

Du diagnostic anténatal à la thérapie génique

Une fois les mutations de CCDC39 détectées, il restait à comprendre comment elles affectent le mouvement des cils vibratiles. « On a pu observer que la perte de fonction de ce gène réduit la mobilité du cil mais on ne savait pas si cela était dû à un effet direct ou indirect de la mutation ». Grâce à des analyses fonctionnelles du gène CCDC39, les chercheurs ont réussi à démontrer que les composantes des bras internes de dynéine et du complexe régulateur de la dynéine (CRD), un intermédiaire important de la mobilité ciliaire, sont liés à l’expression de ce gène. « Le gène CCDC39 joue un rôle clé dans l’assemblage des structures internes du cil, sa mutation affecte le bon fonctionnement des bras internes de dyénine et du complexe régulateur de la dynéine », indiquent les chercheurs. C’est ainsi que les personnes portant ces mutations présentent une sorte de rigidité dans le battement de leur cils vibratiles.

« La découverte de gènes responsables de la DCP a un impact clinique indéniable. Les familles porteuses de cette maladie le découvrent souvent de manière brutale avec la venue d’un enfant atteint. La demande des couples est alors de savoir si les autres enfants seront touchés ou non. Ils ne veulent pas voir un deuxième enfant souffrir comme cela. Grâce à l’identification des gènes de prédisposition, ils peuvent avoir recours au diagnostic anténatal »,  explique les chercheurs. De plus, à plus long terme, la mise au jour de ces gènes pourrait permettre d’envisager une thérapie génique. « Le chien est un modèle privilégié pour mettre au point une telle thérapie », ajoutent les chercheurs.

L’homme compte donc maintenant sur le chien pour mieux comprendre et soigner les maladies qui l’affectent. Outre l’impact que cette approche peut avoir sur la santé humaine, elle sert également la médecine vétérinaire et resserre ainsi encore un peu plus les liens entre l’homme et son « meilleur ami ».

 

(1). Merveille AC, Davis EE, Becker-Heck A, Legendre M, Amirav I, Bataille G, Belmont J, Beydon N, Billen F, Clément A, Clercx C, Coste A, Crosbie R, de Blic J, Deleuze S, Duquesnoy P, Escalier D, Escudier E, Fliegauf M, Horvath J, Hill K, Jorissen M, Just J, Kispert A, Lathrop M, Loges NT, Marthin JK, Momozawa Y, Montantin G, Nielsen KG, Olbrich H, Papon JF, Rayet I, Roger G, Schmidts M, Tenreiro H, Towbin JA, Zelenika D, Zentgraf H, Georges M, Lequarré AS, Katsanis N, Omran H, Amselem S. CCDC39 is required for assembly of inner dynein arms and the dynein regulatory complex and for normal ciliary motility in humans and dogs. Nature Genetics Volume: 43, Pages:72–78 (2011) doi:10.1038/ng.726.

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