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Akhénaton revisité
17/05/2010

colosse amenhotep

Mais c’est alors, surtout, qu’il impose sa nouvelle théocratie, un nouveau système idéologique de légitimation de son pouvoir. Aton, manifestation tangible et divinisée de l’énergie lumineuse du soleil, devient en effet, pour Pharaon, la seule source de sa légitimité à régner, de toute sa puissance théocratique. Le nouveau dieu ressemble sans doute assez fort à la divinité qui assumait déjà cette fonction depuis plus d’un demi-millénaire, et qu’il cherche visiblement à supplanter : Amon-Rê, «le roi des dieux». Mais, à la différence de ce dernier, Aton n’a aucune relation avec les autres divinités. Et, surtout, c’est un dieu complètement muet, muselé, avec lequel seul le monarque peut réellement communiquer. Par l’effet de miroir qui, dans la pensée égyptienne, unit depuis toujours le roi à son géniteur divin, Amenhotep IV devient l’«image efficace» du dieu sur terre, pourvoyeur de toute vie et de tout bienfait. Aussi change-t-il de nom, abandonnant son patronyme qui le plaçait toujours sous la protection d’Amon (Amenhotep), pour se faire désormais appeler Akhénaton, «celui qui est utile pour l’Aton». Aton apparaît donc comme une alternative à Amon-Rê. Mais, surtout, il offre au roi l’avantage d’être facilement contrôlable, puisque son seul interlocuteur et unique interprète est désormais le pharaon lui-même ! Le danger politique que présentait Amon-Rê de remettre en question la légitimité d’un souverain déjà en place est ainsi totalement maîtrisé.

Monothéisme, le mot qui fâche

On a longtemps cru qu’il avait voulu faire effacer toute référence aux divinités antérieures du panthéon égyptien. Mais on sait aujourd’hui que sa vindicte était spécifiquement ciblée sur la personne divine d’Amon-Rê. Dans un premier temps au moins, les autres divinités du panthéon  traditionnel restaient tolérées. Dès lors se pose la question qui a tant intrigué - et parfois violemment opposé - les commentateurs modernes d’Akhénaton, qu’ils soient catholiques, protestants, juifs, musulmans ou athées : l’atonisme est-il vraiment un monothéisme, c’est-à-dire un système idéologique qui n’envisage l’existence que d’un seul dieu ? Il est permis d’en douter, puisqu’il n’abolit pas vraiment le polythéisme en tant que tel, se contentant de le négliger, voire de l’ignorer, au profit d’une divinité suprême. Mais, au fil du temps, l’atonisme finira par aboutir à un rejet presque viscéral de toutes les autres déités, ce qui justifie qu’on puisse le considérer comme un véritable monothéisme. La principale innovation d’Akhénaton réside cependant dans son initiative de monopoliser ce dieu suprême comme sa divinité personnelle, verrouillant ainsi un pouvoir vraiment théocratique. La réforme ne s’impose évidemment pas sans susciter d’opposition. C’est sans doute l’un des éléments qui convainquent le souverain d’abandonner Karnak, fief de l’ancien dieu (près de Louqsor, l’antique Thèbes), pour déménager la cour vers une nouvelle capitale, créée sur un site vierge de toute occupation en Moyenne Egypte : Amarna (2), à peu près à mi-chemin entre Thèbes (au sud) et Memphis (au nord). Du chantier colossal qui s’ouvre là, dès l’an 5 du règne, va surgir Akhet-Aton, le nouvel «Horizon-de-l’Aton», une ville entièrement dédiée à la nouvelle théocratie et à son dieu tutélaire, sur la rive droite du Nil.

Peste et défaites : les dieux se vengent !

C’est là que le règne connaîtra son apogée, puis son déclin. Néfertiti donne naissance à un garçon qu’on appellera Toutankhaton , «l’image vivante de l’Aton». Mais cette heureuse nouvelle est bientôt assombrie par une série de décès, probablement dus à la peste, qui décime la famille royale. Et, sur le plan géopolitique, l’Égypte subit plusieurs revers diplomatiques et militaires qui menacent son «glacis» protecteur au Proche-Orient. La région est convoitée par l’expansionnisme des Hittites, qui ne se satisfont plus de l’Anatolie et menacent désormais les territoires syro-palestiniens, jusqu’alors sous obédience pharaonique. C’est alors qu’Akhénaton décède, peu après Néfertiti, au bout de 17 ans de règne, vers 1335 av. J.-C.  Il laisse l’Egypte dans une situation particulièrement délicate.

 

(2) Mieux connue sous le nom de Tell-el-Amarna

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