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Orientation scolaire ne rime pas (toujours) avec relégation
21/08/2012

Sauf si l’adolescent en question présente des « dons » pour tel ou tel métier manuel. Le talent artistique est à leurs yeux valorisé et pourrait éventuellement justifier ce processus de relégation.

Mais si certaines écoles semblent moins enclines à orienter vers les filières technique et professionnelle, c’est aussi… par intérêt personnel. En baisse d’effectifs depuis plusieurs années, elles ne peuvent se permettre de « perdre » un élève, puisqu’en Belgique francophone, le montant des moyens de financements accordés sera proportionnel au nombre d’inscrits.

« Adjugé : AOB ! »

En lisant les comptes rendus de conseils de guidance racontés par Géraldine André, il est par ailleurs frappant de constater à quel point les enseignants sont eux aussi déterminés par les représentations liées cette fois aux classes moyennes. La chercheuse décrit par exemple un conseil de classe où deux dossiers similaires sont examinés. Dans le premier cas, la jeune fille – issue d’un milieu populaire – présente une moyenne globale de 52%. Dans le second, le jeune homme – provenant d’une famille relativement aisée – a quant à lui terminé l’année avec une moyenne de 53%.

 
[…] Une professeure de français : « C’est une fille que je ne vois pas ici. Depuis le début de l’année, on ne la voit pas ici ! » Le professeur de mathématiques fait partager ses impressions similaires et s’attarde sur le comportement en classe de l’élève. Il apporte des détails sur le contexte familial sans grande relation avec les compétences scolaires à évaluer : « ah ça moi non plus dans le genre pas intéressée et pour la motivation au travail ! Et ses parents, je ne vous dis pas, ils font de la salsa et ils sont passés à la télé. » Fou rire général ! Tout le monde apporte ses commentaires sur les parents. La professeure de religion […] propose une attestation en caractérisant à nouveau le comportement de l’élève : « Bon il n’est pas nécessaire que je vous rappelle son attitude en classe ! Je pense que d’office pour elle, il lui faut du technique ou du professionnel. » Le sous-directeur attribue l’attestation : « Adjugé : AOB ! » La titulaire passe à l’élève suivant […] [Son] origine sociale et plus encore l’attitude de l’enfant plus réceptive aux valeurs de l’école vont jouer en sa faveur. Le titulaire explique à son propos : « Bon c’est vrai que 53%, ce n’est pas une moyenne exceptionnelle, mais je pense que c’est un élève qui peut s’en sortir. C’est un élève très intéressé et très cultivé […] » Le professeur de mathématiques souligne également des antécédents scolaires appréciables : « Oui il a aussi fait des bonnes primaires [dans un très bon établissement]. » Le sous-directeur conclut en proposant un redoublement […] (3)
 

Cet extrait montre à quel point l’orientation ne se base pas uniquement sur des critères scolaires, mais aussi sur la présence (ou non) d’affinités sociales et symboliques entre l’élève, sa famille ou l’enseignant. « Dans certains conseils de classe, il est même arrivé que des décisions de réorientation soient d’ores et déjà prises de manière implicite dès le début de l’année, commente-t-elle. C’est inquiétant que des choses qui n’ont rien à voir avec le dossier scolaire entrent en ligne de compte. Attention : ce n’est pas parce que l’on vient d’un milieu populaire que l’on est exclu. Mais si l’on possède une mauvaise moyenne et que l’on ne correspond pas aux valeurs de l’école, alors on ne reçoit pas de soutien scolaire. »

Géraldine André a eu l’occasion de discuter ses résultats avec des enseignants. « Et cela a été catastrophique. Nous n’étions pas du tout d’accord» Les pratiques les plus intériorisées semblent être les plus difficiles à objectiver…

(3) Géraldine André, op.cit., pp. 116-117

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