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Orientation scolaire ne rime pas (toujours) avec relégation
21/08/2012

Tantôt en prolongeant puis en se distanciant du travail des sociologues Pierre Bourdieu et Paul Willis, Géraldine André renoue avec une tradition qui s’était un peu perdue en sociologie de l’éducation au fur et à mesure des transformations du système scolaire : l’analyse en termes de classes sociales. Pour elle, les références culturelles des classes populaires façonnent plus que jamais les choix des adolescents. Tout comme la sphère familiale, qui permettra de comprendre pourquoi tel individu adopte vis-à-vis de l’école une attitude de résistance, d’ouverture, de conformisme, d’accommodation…

Mais les jeunes ne font pas que s’approprier des éléments qu’ils ont reçus en héritage, ils se les réapproprient, ils réalisent des « bricolages symboliques ». « Une anecdote m’avait particulièrement frappée, raconte la chercheuse. J’avais demandé à des garçons ce qu’ils aimaient comme genre de fille. Ils m’avaient répondu : "le style rony". J’étais très surprise, je ne comprenais pas. Dans mon esprit, ce n’était pas très positif. Quand ils m’ont montré des filles de ce style, j’ai compris qu’ils renversaient la hiérarchie des goûts. Ce qui est perçu comme du non goût par certains groupes sociaux a en réalité du sens pour d’autres. »

Dans les coulisses des conseils de classe

Mais parce qu’il serait « beaucoup trop simple de se limiter à affirmer que les jeunes choisissent leur orientation », Géraldine André s’est intéressée dans la deuxième partie de son ouvrage au rôle des autorités scolaires en suivant pendant plusieurs mois les séances de différents conseils de classe et en donnant la parole aux professeurs de trois établissements.

Trois établissements sensiblement différents, le premier se targuant d’une image de marque plutôt élitiste, le deuxième possédant une bonne réputation mais étant toutefois en perte de vitesse, tandis que le troisième (le seul à proposer dans la même enceinte à la fois des filières de type général, technique et professionnel) se profile comme une école en pleine mutation, accueillant de plus en plus de jeunes issus des classes populaires.

Sur place, l’anthropologue a observé des comportements très différents. Alors que le premier établissement, fort de son important capital économique et culturel,  semble avoir mis en œuvre une stratégie implicite de séparation des élèves « vertueux »  de ceux qui sont considérés comme « non vertueux » sans particulièrement se soucier des conséquences qu’impliquent Classe-ecolechez les jeunes ces décisions de réorientation, les choses semblent beaucoup moins tranchées au sein des deux autres instituts.

« J’ai été très surprise de constater que, contrairement à ce qu’en disent les politiques publiques, les enseignants se posent en réalité beaucoup de questions. Leurs représentations propres aux classes moyennes les poussent à considérer qu’il faut rester le plus longtemps possible dans la filière générale. Ils essayent donc de délivrer une AOB le plus tardivement possible. Pour eux, devoir se prononcer sur l’orientation, cela suscite des problèmes moraux. C’est vraiment le sale boulot. »

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