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Augmentation de la population en Belgique : bonne ou une mauvaise nouvelle ?

Carte blanche parue dans le journal Union et Action n°38, le 20 novembre 2009
Par Serge Feld, Professeur d’économie politique, économie du développement et démographie à l’Université de Liège.

Et d'abord est-ce une nouvelle ? La presse du Nord et du Sud du pays s'est largement fait l'écho ces dernières semaines de l'émoi des milieux politiques qui ne seraient pas préparés à cette évolution car elle irait à l'encontre d'autres prévisions annonçant une diminution de la population. Il n'en est rien ! Les précédentes perspectives de population du Bureau du plan, celles d'Eurostat comme celles de l'ONU indiquent toutes une croissance de la population à moyen terme. L'élément neuf est que cette augmentation était sous-estimée. Les questions que cela pose sont diverses : quelles sont les causes de cette croissance et quels sont les défis les plus importants que les changements démographiques qui en découlent vont poser au long des prochaines décennies ?(1)

La population en Belgique passerait de 10.807 millions en 2010 à 11.540 millions en 2020, soit une croissance d'environ 0,6 % par an et ensuite à 12.440 millions en 2050, soit une croissance annuelle de 0,4 %. Trois facteurs expliquent cette révision à la hausse. D'abord une légère augmentation de la natalité due à une structure par âge plus jeune et en partie à une fécondité plus élevée des femmes d'origine étrangère. Cette stabilisation de la catégorie des moins de 20 ans est un avantage à long terme mais implique des coûts plus élevés d'infrastructure dans l'immédiat. Ensuite, une amélioration plus rapide de l'espérance de vie, ce qui réjouira chacun mais accentue le vieillissement. Enfin, un solde migratoire international plus élevé qui s'explique, en partie, ces dernières années, par l'élargissement de l'UE.

Ces évolutions doivent nourrir les réflexions sur les politiques sociales et économiques mais, fondamentalement, elles n'infléchissent guère les tendances principales à savoir un processus irréversible de vieillissement qui s'ajoute à la situation particulièrement défavorable de la Belgique.

Ce qui importe, c'est bien moins l'évolution de la population totale que celle de la population active et des taux d'emploi.

Or, la Belgique se démarque des autres pays occidentaux par de graves carences. Elle sera loin d'atteindre les objectifs de Lisbonne : en fait, au lieu de progresser, le taux d'emploi a diminué récemment. Notre pays a la plus haute proportion de personnes vivant dans un ménage dans lequel aucun membre ne dispose d'un emploi (12,5 %). Le taux d'emploi des femmes est parmi les plus bas de l'UE, et celui des travailleurs âgés est aussi un des plus faibles d'Europe : il n'y a plus qu'une personne sur trois entre 55 et 64 ans encore active.

 

population belge


Ces caractéristiques alourdissent les défis que le vieillissement pose à tous les pays. Il faudra faire face à l'augmentation des inactifs, au vieillissement de la main-d'œuvre et aux problèmes de productivité. L'allongement de la durée de vie implique une croissance des dépenses de santé. L'augmentation du nombre et de la durée des retraites pose la question de leur financement.
Bref, après avoir connu la période la plus favorable de son histoire, l'évolution démographique exige d'urgence des politiques spécifiques afin d'agir sur les comportements individuels et familiaux et sur les institutions chargées de garantir les solidarités intra et intergénérationnelles.

 

 

 

 

(1) S. Feld, Éd. "Changements des structures par âge et populations actives", Academia-Bruylant, 2008.

 


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