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L'origine de certaines épilepsies mieux cernée
10/04/2010

Une nouvelle « MAP » ?

invalidation EFHC1En réfléchissant au lien qui pouvait exister entre le rôle de la protéine issue du gène EFHC1 dans la mitose des cellules et l’implication de ce gène dans l’épilepsie myoclonique juvénile, Thierry Grisar et Bernard Lakaye ont abouti à la question suivante : «Et si cette protéine agissait sur la division cellulaire des neurones lors du développement du système nerveux ?».

«Il fallait trouver une méthode pour voir si cette protéine intervient au niveau de la division cellulaire des neurones primitifs, les neuroblastes, et si elle a un effet sur le développement cortical», explique Thierry Grisar. Pour ce faire, ils ont utilisé la technique d’électroporation, in utero, sur des embryons de rats. Cette technique consiste à appliquer un champ électrique sur le crâne d’un embryon de souris in utero qui permet de faire entrer dans les neurones corticaux en développement soit des ARN interférents qui inhibent l’expression du gène EFHC1, soit une version mutée de ce gène.

«Laurence de Nijs, dont je supervise le doctorat, a appris cette technique au laboratoire de physiologie et de neurobiologie de l’Université du Connecticut aux Etats-Unis sous l’aile du professeur Joseph Lo Turco», souligne Bernard Lakaye. «Lors de son séjour elle a pu observer que lorsque l’action de la protéine est bloquée, cela perturbe la division et la migration des neurones», enchaîne Thierry Grisar.

Selon Bernard Lakaye le gène EFHC1 coderait une protéine qui s’associe aux microtubules (MAP pour Microtubule-Associated Protein), des fibres constitutives du cytosquelette qui jouent un rôle prédominant dans la division cellulaire et dans la migration des neurones au cours du développement cérébral. Cette récente découverte des chercheurs liégeois a fait l’objet d’une publication (2) dans Nature Neurosciences. «Depuis les microtubules, la protéine d’EFHC1 piloterait ces deux mécanismes. Il est également important de noter que cette protéine n’est pas fortement exprimée, ce qui semble indiquer qu’elle a un rôle subtil mais capital», ajoute Thierry Grisar.

D’une épilepsie idiopathique à lésionnelle

Qu’apporte la présente étude en matière de connaissances sur l’épilepsie myoclonique juvénile ? «Nous proposons de considérer désormais ce syndrome, jusqu’ici classé parmi les épilepsies idiopathiques, comme résultant de micro-dysgénésies, c’est-à- dire des petites lésions très discrètes, dues à des troubles subtils du développement intracortical», conclut Thierry Grisar.

Ayant étudié jusqu’ici l’effet de l’inhibition du gène EFHC1 sur le développement neuronal, les scientifiques aimeraient maintenant affiner leurs recherches en tentant de découvrir le lien entre différentes mutations de ce gène, la présence de petites lésions dans le cortex et la surexcitabilité des neurones. «Dans les trois ans à venir, j’aimerais que notre équipe puisse observer le comportement de rats dont le gène EFHC1 a été muté in utero et ayant atteint l’adolescence», projette le neurologue. «Ces expériences devraient nous permettre de vérifier que de légères lésions du circuit cortical sont capables de produire une excitabilité accrue des neurones dans une zone du cortex». De tels travaux pourraient en effet permettre au monde scientifique de faire un grand pas pour mieux comprendre et donc traiter ces maladies que sont les épilepsies, pathologies dont auraient souffert bien des grands de ce monde tel que Jules César, Vincent Van Gogh, Ludwig van Beethoven, Napoléon Bonaparte ou encore Alfred Nobel !

 

(2) de Nijs, L., Léon, C., Nguyen, L., Loturco, J.J., Delgado-Escueta, A.V., Grisar, T., Lakaye, B., 2009. EFHC1 interacts with microtubules to regulate cell division and cortical development, Nat. Neurosci. Published online 6 September 2009.

 

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