Le site de vulgarisation scientifique de l’Université de Liège. ULg, Université de Liège

Les origines du cancer du col de l’utérus
20/08/2012

Aurait-il donc résolu cette question et ouvert du même coup la voie vers un marquage tumoral à valeur pronostique ? C’est fort possible mais notre chercheur reste prudent. « Forcément, l’étude suivante, maintenant, c’est de vérifier l’intérêt clinique et la valeur pronostique d’un tel marqueur. C’est pourquoi le Prof Crum a demandé à tous les pathologistes de l’hôpital, à chaque fois qu’ils observent une dysplasie de grade 1, d’effectuer la recherche de notre marqueur (nous avons choisi la kératine 7 pour des raisons pratiques car nous avions déjà cet anticorps). » Il faut savoir qu’à l’heure actuelle, ce pronostic s’établit, faute de mieux, sur trois critères relativement imprécis: un critère histologique (le grade 1,2 ou 3, qui est une cotation relativement subjective donnée par l’examinateur), un critère viral (l’identification de la souche du virus HPV pour voir s’il s’agit d’une des souches à risque de cancer ou pas) et un marqueur appelé p16 qui permet juste au pathologiste de déterminer si le virus est présent ou non, mais qui n’a aucune valeur pronostique.  Le p16 est d’ailleurs positif également dans les infections à HPV du vagin, de la vulve, du rectum ou du pénis.

Encore quelques détails à préciser…

Mais ce n’est pas tout. Car pour pouvoir affirmer sans contradiction possible que les cellules de jonction sont les seules cellules capables de donner naissance au cancer du col, il fallait également prouver que ce n’est pas le virus HPV qui déclenche l’expression des marqueurs spécifiques dans les cellules infectées, mais que celles-ci les expriment déjà à l’avance. En d’autres termes, que d’autres cellules (par ex dans la zone de transformation TZ) ne se mettent pas à exprimer les mêmes gènes une fois infectées par le HPV. Pour ce faire, Michaël Herfs et ses collaborateurs ont utilisé des cellules épidermoïdes de prépuce (les circoncisions en fournissent en suffisance) qu’ils ont mises en culture, et qu’ils ont infectées par deux oncoprotéines virales de HPV, les protéines E6 et E7. Résultat : tant les cellules de prépuce normales que celles infectées par les protéines virales n’ont pas été capables d’exprimer les marqueurs caractéristiques des cellules de jonction. C’est donc bien la preuve que l’expression des marqueurs est due à l’origine de la cellule et non pas à l’infection par HPV. Par ailleurs, sur des cellules fœtales de col utérin, les marqueurs spécifiques des cellules de jonction sont déjà exprimés à 16 semaines de gestation suggérant une origine embryonnaire de ces cellules de jonction.

Et enfin, dernière étape pour faire approuver cette publication, il fallait prouver que, une fois les cellules de jonction supprimées, comme l’avaient fait intuitivement les gynécologues de 1920, elles ne revenaient pas, écartant par là tout risque de cancérisation du col, même en présence de HPV. « Nous avons eu la chance de pouvoir disposer d’hystérectomies pratiquées chez des patientes qui avaient subi une conisation suite à une dysplasie de grade 2 ou 3, et ensuite une hystérectomie pour une raison indépendante. Ces cas sont très rares ; je ne sais pas si j’aurais pu disposer de telles pièces en Belgique. Et nous nous sommes rendu compte que, en effet, quand les cellules de jonction avaient été excisées par la conisation, elles ne se régénéraient pas. Ce qui nous ramène à l’hypothèse de 1920, qui postulait déjà que, après suppression des cellules de jonction, les patientes sont potentiellement toujours infectables par HPV, mais que cela ne dégénère jamais en cancer. »

régénération-conisationÀ tel point que certains parlent déjà d’en faire une méthode de prévention du cancer pour les pays où la visite de dépistage chez le gynécologue est un luxe peu accessible– pays dont on sait qu’ils sont aussi ceux qui payent le plus lourd tribut au cancer du col. « Mais c’est encore trop tôt, car nous ne savons rien d’un éventuel rôle physiologique de ces cellules, fait remarquer Michaël Herfs. Bien sûr elles sont impliquées dans le cancer, mais ce sont peut-être avant tout des cellules souches impliquées dans le renouvellement de l’épithélium du col, par exemple. Les supprimer, surtout chez de toutes jeunes femmes, n’est peut-être pas un geste anodin. »

Page : précédente 1 2 3 4 5 suivante

 


© 2007 ULi�ge