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Les origines du cancer du col de l’utérus
20/08/2012

Analyser les gènes exprimés

Ces mystérieuses petites colonies de cellules cubiques détenaient-elles la réponse à ses questions ? Le chercheur liégeois pensait bien que oui,…encore fallait-il le prouver. L’étape suivante fut donc d’observer quels étaient les gènes exprimés par ces petites cellules. Pour cela, il fallait traiter différemment les pièces d’hystérectomies non infectées par HPV prodigalement fournies par les salles d’opération du « Brigham », en les plongeant immédiatement dans l’azote liquide de manière à ne pas laisser l’ARN se dégrader. Il faut savoir que les biopsies classiques, enchâssées dans de la paraffine, subissent un traitement à la chaleur, au xylène et au formol, qui dégradent les acides nucléiques. On ne peut donc pas y observer l’expression des gènes. Sur ses prélèvements congelés, Michaël Herfs s’est attelé à isoler, par une technique de microdissection laser, des populations pures de cellules de jonction, de cellules de l’endocol et de cellules de l’exocol, dont il a ensuite extrait l’ARN messager. Celui-ci a ensuite été soumis à des techniques de microarray, ce qui a permis de caractériser l’expression complète des gènes des trois populations cellulaires étudiées. « Il est alors apparu clairement que ces trois populations étaient bien distinctes. Notamment, une quatre-vingtaine de gènes sont exprimés 2.5 fois plus dans les cellules de jonction par rapport aux autres, ce qui est énorme ! »

jonctionA partir du moment où les trois populations cellulaires expriment des gènes différents, les protéines produites par chacune doivent -normalement être différentes également. Celles-ci peuvent alors servir de marqueurs pour identifier facilement les cellules grâce à des anticorps spécifiques. Les chercheurs ont donc sélectionné quelques-unes de ces protéines, principalement en fonction de considérations pratiques (anticorps facilement disponibles) pour servir de marqueur de la présence de ces cellules. C’est ainsi que la kératine 7, par exemple, a été choisie comme marqueur (et brevetée en vue de l’éventualité du développement d’un kit de diagnostic).

Où le virus HPV revient en scène

« OK, on avait une nouvelle population de cellules, qui exprimait des gènes spécifiques; on avait des anticorps spécifiques pour les identifier, maintenant il fallait savoir si cette population de cellules était reliée d’une manière ou d’une autre à l’infection par le virus HPV responsable du cancer ! » Les chercheurs ont alors cherché à voir si des cellules cancéreuses infectées par HPV exprimaient les mêmes gènes. Ils ont donc examiné des biopsies de dysplasies CIN 1, 2 et 3 ainsi que de cancers avérés, tant de type épidermoïde que glandulaire (adénocarcinome). Résultat : tous les cancers et les dysplasies de grades 2 et 3 exprimaient les mêmes gènes que les cellules de jonction. Mais seulement 20% des dysplasies de grade 1. Qu’en conclure ? Plusieurs choses importantes ! D’une part que les cancers et les lésions précancéreuses évaluées présentent bien un lien de parenté avec les cellules de jonction; c’est donc bien dans ces cellules que les cancers du col de l’utérus prennent naissance.

D’autre part, les observations sur les dysplasies de grade 1 avaient aussi une grande importance. On se souvient que la grande majorité de ces dysplasies régressent spontanément. Or 80% d’entre elles n’exprimaient pas les gènes des cellules de jonction… « Nous en avons déduit l’hypothèse que si HPV infecte d’autres cellules que les cellules de jonction, la lésion va régresser spontanément après 6 à 12 mois. Si par contre HPV infecte une cellule de jonction, cette infection sera persistante et évoluera à travers les différentes étapes des dysplasies et du cancer. » Souvenons-nous que la question de départ, pour Michaël Herfs, était de trouver un moyen de prédire quelles dysplasies CIN1 allaient régresser et lesquelles deviendraient agressives.

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