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Les origines du cancer du col de l’utérus
20/08/2012

Car en effet, à peu près au même moment,  Frank McKeon et Wa Xian, deux collaborateurs de longue date de Christopher Crum travaillant à Singapour, publiait dans Cell un article tout à fait original, qui décrivait une population de cellules très particulières situées à la jonction entre les muqueuses de l’œsophage et de l’estomac. Les résultats de cette étude affirmaient que ces « cellules de jonction » étaient à l’origine d’un type de cancer de l’œsophage se développant sur une zone de muqueuse transformée par l’acide gastrique (métaplasie) appelée œsophage de Barrett. Pour Christopher Crum, qui ne dédaigne pas les intuitions car il sait qu’elles contiennent parfois une graine de génie, il y avait là un pari à relever : « et si c’était la même chose pour le col ? ». Et voilà notre jeune chercheur liégeois propulsé dans une direction inattendue…qui allait le mener à un succès tout aussi inattendu !

« Nous sommes partis de deux constats déjà très anciens, résume Michaël Herfs. D’une part le fait que 90% des cancers du col se développent à partir ou à proximité d’une zone appelée « zone de transformation »  située entre l’exocol et l’endocol, et l’observation réalisée par les médecins de Harvard en 1920, à savoir que quand on cautérise cette zone, les patientes ne développent jamais de cancer du col par la suite. Nous nous sommes donc demandé ce qui, dans le microenvironnement de cette zone de transformation, en fait le berceau du cancer et qui, quand on l’enlève, protège contre ce même cancer, alors que les femmes sont toujours potentiellement en contact avec le virus HPV cancérigène. »

Schéma-vagin

Bingo !

Michaël Herfs s’est donc attelé à la tâche en commençant fort logiquement – en bon chercheur en anatomie-pathologique – à scruter des biopsies HPV-négative de col utérin à la recherche de ces fameuses cellules de jonction. Une bonne centaine de biopsies. Il faut dire qu’il était à la source : le Brigham & Women’s Hospital de Boston est le premier « Women’s Hospital » des Etats-Unis. Les pathologies gynécologiques y représentent 70 à 80% des biopsies. « Si vous voulez un ordre de comparaison,  pour le CHU de Liège, on arrive peut-être à 40-50 cas de biopsies cervicales HPV-positives ou non par année ; ici j’en ai obtenu 3 ou 4 par jour » souligne Michaël Herfs.

La tâche n’était pas simple : il fallait d’abord que les biopsies soient réalisées au bon endroit, et bien orientées dans l’axe longitudinal du col pour pouvoir explorer la jonction entre les deux revêtements. Une orientation qui tient du coup de chance : seulement 10% des biopsies répondaient à ces critères. Mais qu’importe, quand on a le feu sacré ! À force de balayer du regard le champ de son microscope, Michaël Herfs a fini par les apercevoir: toutes petites, cuboïdes, roses avec un noyau bien central, recroquevillées sur elles-mêmes et bien distinctes de leurs voisines épidermoïdes (muqueuse de l’exocol, similaire à la muqueuse vaginale) ou cylindriques glandulaires (muqueuse de l’endocol, similaire à la muqueuse de l’intérieur de l’utérus). Comment personne ne les avait-il encore remarquées ? « Ca me paraît fou ! Surtout que, depuis que nous les avons repérées, nous avons l’impression de ne plus voir qu’elles ! Mais cela s’explique parce qu’elles sont si peu nombreuses : une zone de 40 cellules de largeur, tout au plus. Sur une biopsie qui fait 1 cm, 40 cellules, c’est quelques microns ; il est facile de passer à côté ! »

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