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A(H1N1) : l’Etat face aux risques de pandémie 
09/08/2012

Un gouffre entre l’initiative gouvernementale et l’adhésion des citoyens

Une autre source d’interrogation soulevée dans la publication est le décalage entre l’urgence chaotique qui englobe la décision finale du gouvernement et l’adhérence quasi inexistante de la population belge. « 8 millions de doses peuvent couvrir une large partie de la population, qu’il faille une ou deux doses pour que le vaccin soit efficace, pointe le chercheur. Or, en définitive, 6% de la population seulement décide de se faire vacciner. » Ce phénomène est similaire dans les autres pays occidentaux, à l’exception des Etats-Unis, du Canada et de la Suède. (Cnfr tableau page 41 de la publication.)

Sans entrer dans une analyse sociologique poussée, les chercheurs débroussaillent une piste de réflexion supplémentaire sur cette crise aux facettes décidément multiples. Par exemple, la précipitation avec laquelle le vaccin est mis sur le marché, sans jouir des homologations classiques, peut en refroidir plus d’un. Ensuite, la campagne de vaccination est réellement lancée au mois de novembre, trois mois après la signature du contrat. Le soufflé est déjà bien retombé, certains avancent même déjà que cette grippe est moins désastreuse qu’une grippe saisonnière.

De nouvelles règles du jeu pour l’action publique

Un autre concept théorique invoqué dans la publication est celui de la « société du risque ». Depuis 1986 et la catastrophe de Tchernobyl, et avec l’accélération et la systématisation des moyens de transport mondiaux, la découpe du monde en Etats-nations subit une forme d’obsolescence dans la gestion de crises globales, qui les dépassent complètement.

« La thèse de la société du risque, développe François Thoreau, stipule que nous passons d’un Etat providence, qui va générer et distribuer des richesses, à un Etat qui, du fait des développements techniques et scientifiques, va générer toute une série de risques. L’enjeu majeur n’est donc plus tant la distribution des richesses que la répartition des risques entre les populations. Dans le cas de la gestion de la grippe A(H1N1), l’Etat se rassure dans son rôle de garant de la santé de la population en se disant qu’au fond, dans ce cas-ci, le risque peut être maîtrisé. Vacciner une population, c’est un outil classique de gouvernance. Il a le contrôle du processus. Or, d'un point de vue général, cet enjeu de contrôle échappe de plus en plus aux décideurs face à la prolifération de risques ‘qui ne s’arrêtent pas aux frontières’. En termes de philosophie politique, on est fondé à penser que l’Etat belge, dans le cas de H1N1, a une prise. Il peut se mesurer avec un risque, le baliser, le cadenasser, le circonvenir, le circonscrire, agir dessus. Ce qui est assez typique de notre société où le politique se veut très volontariste, tout en étant de plus en plus démuni de moyens par rapport à des risques qui le dépassent. »

Pour conclure, la publication analyse un beau cas de problème sociétal actuel. Elle illustre de manière très descriptive, et autour de l’analyse scrupuleuse du contrat signé entre le gouvernement belge et GSK, plusieurs faits récoltés dans un corpus large. Elle dévoile avec clarté une partie des mécanismes décisionnels au sein des plus hautes sphères politiques face à une crise majeure, mécanismes trop rarement mis en lumière avec neutralité, nuance, réserve et intelligence. VaccinationLe papier, soigneusement documenté et dans un souci de pédagogie, ouvre de multiples pistes de réflexion, sans avoir la prétention d’y répondre ou de condamner les pratiques ayant vu le jour à la suite de l’éclatement de la crise A(H1N1). Très clairement, l’ambition assumée du papier est d’éclaircir un sujet complexe, de servir de base à de futures études dans d’autres disciplines, afin d’élargir le point de vue éminemment juridico-politique de la recherche. « Il était certes frustrant de se cantonner à un seul objet en se contentant d’amorcer d’autres pistes sans les approfondir. Mais c’était la finalité assumée du papier, et celle des Courriers hebdomadaires du CRISP en général. Cette publication, c’est un tronc d’arbre, avec quelques petites branches en germe. »

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