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A(H1N1) : l’Etat face aux risques de pandémie 
09/08/2012

Entre prévention et précaution, quelle responsabilité politique des gouvernements nationaux ?

Une nuance théorique intéressante est exploitée dans la publication  : la distinction entre la prévention et la précaution, comme moteurs décisionnels d’un gouvernement en fonction de la conception qu’il a de son propre rôle et, selon certains, l’incertitude dans laquelle il se trouve. Dans le cas de la prévention, l’Etat exerce encore un certain contrôle sur une crise. Face à un risque avéré, il peut prendre des mesures préventives pour tenter de l’éviter. La notion de la prévention se rapproche d’une logique assurantielle. Dans le cas où le risque ne peut être déterminé avec suffisamment de certitude, ou que son existence n’est même pas avérée, il fait alors preuve de précaution.

« Dans le cas présent, nous avons d’abord pensé que l’Etat pouvait avoir agi selon une logique de précaution, explique François Thoreau. En ne sachant pas exactement quels sont les risques d’administration du vaccin, il décide toutefois de le commander. Mais malgré les nombreuses critiques que rencontre la signature du contrat avec GSK, les risques du vaccin sont relativement mesurés par rapport au risque de pandémie qui, à ce moment-là, est avéré. L’Etat aurait agi avec précaution s’il s’était posé la question de signer ou de ne pas signer le contrat, de prendre un peu plus de temps pour réunir davantage d’informations préalables et d’expertises contradictoires dans un contexte d’incertitude scientifique, en refusant donc le diktat de l’urgence, et en considérant que l'épidémie n'était qu'un risque potentiel — et non pas avéré. Ce qui aurait été concrètement difficile, vu les nombreuses pressions qui pesaient sur les autorités. »

Le gouvernement a donc choisi la voie de la prévention, en anticipant les risques d’une épidémie dite « avérée » et en se donnant les moyens de garantir la santé de la quasi-totalité de la population belge. « Dans sa propre conception, l’Etat s’est posé comme le garant de la santé des citoyens, quel qu’en soit le prix à payer. »

Lobbying et neutralité des chercheurs, deux autres dossiers épineux

Dans cette grande danse sociétale sont également pointées les pratiques de lobbying et la neutralité toute relative de certains experts aidant aux décisions finales des gouvernements. Sans établir de procès d’intention, ni conclure à une quelconque infraction pénale, les auteurs citent par exemple les recherches du journaliste d’investigation David Leloup, qui parvient à dénombrer une série importante de connexions entre GSK, l’OMS et les comités d’experts proches des cabinets ministériels belges. Certains ont reçu des rémunérations des groupes pharmaceutiques, d’autres encore, sont réunis dans des comités entièrement financés par ces mêmes groupes. Les questions de l’indépendance et de l’impartialité sont donc posées. « Dans le système actuel, écrivent les chercheurs, les liens entre firmes,Pandemrix-FR universités et instances politiques sont fortement encouragés. Cela pose avec acuité le problème des garanties de neutralité des missions d’expertise. » (2)

« Quant au lobbying, poursuit le politologue, il représente pour GSK un coût en 2011 de 800 000 euros pour l’Europe et de 5,4 millions de dollars aux Etats-Unis. Le lobbying est une pratique qui s’institutionnalise. Il faut rendre à GSK le crédit d’en faire explicitement état dans son rapport annuel, sur une base volontaire, là où une majorité de firmes se dérobent à l’exercice. Ceci étant dit, le fait que les gouvernements vont in fine acheter des millions de doses de vaccins dépend forcément de la manière dont ils envisagent le risque de pandémie. Or, un groupe pharmaceutique a dans ce registre un bien plus grand pouvoir de conviction qu’un citoyen lambda. Sans verser dans des dénonciations de complot ou de corruption, il faut toutefois souligner ce jeu de séduction. »

(2) Ibid. p.45

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