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A(H1N1) : l’Etat face aux risques de pandémie 
09/08/2012

Financièrement, le gouvernement ne fait donc pas une bonne affaire, en s’exposant à un risque sans plafond. Mais il n’est pas non plus en mesure de négocier. La pression est très forte, il y a de réelles menaces concernant les stocks livrables des vaccins. « A partir du moment où l’Etat cherche — littéralement à tout prix — à garantir la santé de ses citoyens, que cet impératif surpasse la question financière et devient la valeur principale qu’il lui incombe de garantir, la note se négocie un peu au bon vouloir du groupe pharmaceutique. Sans doute, dans un scénario idéal, la société aurait besoin de moins d’urgence, de plus de sérénité, de moins de ramdam médiatique au premier frétillement de scandale. Mais ce sont les règles du jeu dans lesquelles s’inscrit aujourd’hui l’action publique. Et dans un sens, avec un minimum d’empathie, on peut se dire que si on avait été à la place du gouvernement, on aurait agi de la même manière.» Il est d’ailleurs notable qu’au Parlement, l’opposition de l’époque, malgré quelques critiques sur la forme, demeure relativement consensuelle, convergente quant à l’initiative assumée par le gouvernement.

L’acte n’est pas entièrement irréfléchi

Si la signature du contrat semble certes précipitée, elle s’inscrit dans une dynamique temporellement plus large que l’apparition de la grippe A(H1N1). « L’idée de mettre en œuvre un plan préventif des épidémies a commencé à émerger en 2005, au lendemain de la grippe aviaire. La crise de 2009 a agi comme un catalyseur, au sens chimique du terme. Elle n’a fait qu’accélérer et précipiter une réaction dont tous les ingrédients étaient déjà en place. » Un autre argument qui a favorisé le choix de ce vaccin était que ses composants n’étaient pas tous mélangés, mais divisés en deux parties. L’une était un vaccin standard contre la grippe. L’autre, un adjuvant au vaccin, contenait des éléments spécifiques de la souche concernée. Ce qui signifiait qu’en cas d’inutilisation des doses, une partie non négligeable de la commande pouvait servir pour une épidémie future. Il suffisait alors d’y ajouter un autre adjuvant.

En définitive, cet argument ne tient plus, puisqu’aujourd’hui tous ces vaccins sont périmés. L’Etat se retrouve avec un stock de plus de cinq millions de doses à détruire selon des normes sanitaires précises. Le choix de conclure un accord avec GSK restait toutefois plus avantageux qu’avec d’autres groupes pharmaceutiques. Etant donnée la double nature du vaccin, il offrait une protection plus large que d’autres ; l’adaptativité du vaccin à d’autres souches restait à ce moment-là un argument de poids ; GSK avait une capacité rapide de production et de livraison ; et enfin, le groupe était déjà fortement implanté en Belgique, en y employant 7500 personnes.

Au plus fort de la controverse autour de la signature du contrat et du réel risque financier qu’assume l’Etat belge, Laurette Onkelinx se défend en évoquant la possibilité, en cas de plainte, de se retourner contre la Commission européenne, qui a en effet autorisé la mise sur le marché du Pandemrix. Mais les auteurs de la publication remettent également en cause ce point, en stipulant qu’une telle procédure doit répondre à toute une série de conditions très strictes, qui doivent toutes être respectées. Le plaignant doit réussir à prouver l’illégalité du comportement reproché. Il faudrait donc vérifier si l’autorisation de la mise sur le marché du Pandemrix a été faite en respectant ou non la législation européenne, et, dans le second cas, attester que cette infraction présente un haut degré de gravité. Il faudrait également démontrer la réalité du dommage et l’existence d’un lien de cause à effet entre l’autorisation de vente du vaccin et les préjudices.

Selon les auteurs, l’origine de l’éventuel préjudice subi par la Belgique serait d’ordre financier, étant donné qu’elle a pris l’engagement de supporter les frais exposés par GSK. Si la Belgique devait démontrer qu’elle a donc subi un dommage, en l’occurrence les indemnités versées à GSK, elle devrait établir le lien de causalité directe entre la violation du droit européen et le dommage subi. Du reste, il n’est pas impossible non plus, rappellent les auteurs, qu’un vaccin puisse générer des effets secondaires graves alors même que toutes les procédures européennes de mise sur le marché ont été respectées à la lettre. Le risque zéro n’existe pas. En bref, les auteurs expriment de grands doutes sur les chances de succès d’une éventuelle procédure engagée par l’Etat belge à l’encontre de la Commission européenne.

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