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F.N.R.S. ou la liberté de chercher
Depuis sa création, le Fonds National de la Recherche Scientifique (F.N.R.S.) est le coeur et la voix de la recherche en Belgique. Il participe ainsi au rayonnement de notre pays à travers le monde. Avec sa collaboratrice Geneviève Xhayet, Robert Halleux, historien des sciences à l’ULg et directeur de recherches au F.N.R.S., a retracé l’histoire de cette prestigieuse institution dans l’ouvrage «La liberté de chercher. Histoire du Fonds National belge de la Recherche Scientifique», aux Éditions de l’Université de Liège. Le 1er octobre 1927, les grands halls des usines John Cockerill à Seraing sont noirs de monde pour célébrer le 110ème anniversaire de l’entreprise, la guerre ayant endeuillé le 100ème. Le Roi Albert Ier est accueilli par le gratin industriel et politique belge. Il va prononcer son Discours de Seraing, devenu fameux puisqu’il a ensuite motivé la création du F.N.R.S. C’est lors de ce discours qu’a été prononcée la phrase gravée sur la façade d’un des bâtiments du campus universitaire du Val Benoît (Liège) : «Le sort des nations qui négligeront la science et les savants est marqué pour la décadence». Promouvoir la scienceQue contient cette allocution ? «C’est un discours en faveur de la relance de l’industrie par la recherche, explique Robert Halleux. Il comprend deux points capitaux. Le Roi présente d’abord la science comme un levier pour l’industrie : elle est capable de remplacer les ressources naturelles déficientes, en concevant des produits à haute valeur intellectuelle ajoutée. Ensuite, la science lui apparaît comme un élément clef du prestige national : la Belgique, remarquée par sa conduite exemplaire pendant la guerre, a un rang à maintenir dans la paix, par le rayonnement de ses savants ». On le voit, sous-jacent au Discours de Seraing se trouve le rêve d’une institution nouvelle de droit privé au service des chercheurs pour éveiller des vocations scientifiques et ce, indépendamment du régime linguistique, des opinions politiques, philosophiques de l’université d’appartenance et même de la discipline du candidat-chercheur : seules la valeur et la faisabilité de son projet importent. A l’époque, les institutions scientifiques sont en crise et la Belgique n’est pas équipée pour mener à bien la relance de l’industrie par la science. Il fallait un sursaut financier national en faveur de la recherche. Ambition royaleLargement couverte par la presse et reprise par une vaste campagne de propagande, l’initiative royale a déclenché la nécessaire prise de conscience de l’opinion publique. Moins d’un an après le Discours de Seraing, un capital de 112 millions de francs belges est constitué grâce au mécénat ; les premiers mandats F.N.R.S. peuvent être délivrés dès le milieu de 1928. Big scienceDe 1939 à 1945, le fonctionnement du F.N.R.S. est intimement lié à la seconde guerre mondiale : les activités sont réduites, l’autonomie est perdue, l’attitude est prudente. La fin de la guerre ne signifie pas un retour à une situation analogue à celle qui existait avant l’occupation : l’Europe prend conscience de la complexification du paysage scientifique mondial et du décalage qui la sépare désormais du reste du monde : «La communauté scientifique a été confrontée à un prodigieux changement d’échelle, avec la mobilisation de moyens financiers, techniques et humains colossaux dont les Européens sont jusqu’alors exclus. C’est la Big Science représentée à l’époque par le projet Manhattan ou la Cité des étoiles. La Belgique se retrouve doublement démunie : elle est un petit pays sur un vieux continent ruiné par la guerre.» Au niveau national, le F.N.R.S. a poursuivi la subvention de projets probablement moins spectaculaires que ceux de l’époque précédente, même s’ils ont également contribué au prestige de la Belgique. En particulier, le F.N.R.S. a financé la fameuse expédition à la Grande Barrière de Corail du professeur Marcel Dubuisson, à l’époque recteur de l’Université de Liège qui, accompagné par son service d’océanologie, est allé plonger au large de l’Australie : au total, 800 plongées, 300 prélèvements au grappin, 12 carottages profonds... et 671 spécimens qui constituent l’une des plus belles collections de coraux au monde. Elle est désormais exposée à l’Aquarium de l’Université de Liège. La scissionJusque dans les années 70, le fonctionnement du F.N.R.S. coïncide avec la vie scientifique dans nos Universités, sur une base nationale et unitaire : le F.N.R.S. est une institution belge. Mais vers la fin des années soixante, la Belgique unitaire se tourne vers le fédéralisme et l’histoire du F.N.R.S. va suivre, voire précéder, la réforme de l’État. La scission du F.N.R.S. prend sa source dans les revendications flamandes : «il est vrai que jusque-là, le système avantageait les Francophones : les dossiers étaient jugés indépendamment du régime linguistique, mais les Flamands étaient beaucoup moins avancés sur le plan scientifique et recevaient donc moins de mandats.», constatent Robert Halleux et Geneviève Xhayet. De nos jours, la majorité des chercheurs qui poursuivent une carrière académique sont passés par le F.N.R.S. De nombreux hommes politiques également. Le Fonds subventionne aujourd’hui près de 2000 chercheurs dans notre pays, dont plus d’un quart à l’Université de Liège. Depuis 1989, le F.N.R.S. bénéficie également des dons recueillis chaque année lors de l’opération Télévie, qu’il reverse ensuite à une centaine de chercheurs travaillant dans la lutte contre la leucémie et le cancer. En 2007, le Télévie a récolté près de 8 millions d’euros.
F.N.R.S. : Lectures utiles
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